Joseph s’en va…

Joseph s’en va…

Ainsi va prendre fin d’ici le 8 décembre l’année jubilaire de Saint Joseph annoncée par le Pape François. Dans le vacarme du scandale révélé par les médias, d’ailleurs. Joseph s’en va non parce qu’il nous abandonne, mais parce que nous, nous l’avons abandonné. Où est la famille idéale qu’il représentait ? Disparue corps et âme, dans la douleur des victimes. Mais nous ne l’avons pas vu venir, ce scandale pédophile. Pas vu venir, vous en êtes certains ? Nous avons tous et toutes connu, parmi nos proches, des personnes qui ont quitté l’Eglise, et parfois même la religion, à cause de mauvais traitements. Les avons-nous seulement entendus … Un tiers de ces crimes ayant été commis par des paroissiens bienpensants comme vous, comme moi, nous avons donc fait partie du problème. Cela ne se passe pas chez nous ? C’est comme le nuage radioactif venant de Tchernobyl en 1986 : il s’est arrêté à la frontière …

Mais les clercs ne sont pas non plus sans reproches. Ne me dites pas que ces rapports ne veulent que « bouffer du curé ». Même si c’est en partie vrai, nous les avons fortement aidés par nos agissements. Avant de leur reprocher cela, il faudrait, nous, peut-être, être au-dessus de tous soupçons. Aveuglés par nos luttes intestines permanentes pour une parcelle de pouvoir au sein de cette institution, oui, nous n’avons rien vu venir. Car les crimes commis ne sont rien d’autre que le summum de l’abus de pouvoir. Et qui dit pouvoir dit aussi magistère. Ces derniers temps, celui-ci a un peu perdu de sa crédibilité. Combien de signaux de prêtres ou de laïcs n’ont pas été entendus ? Ou même écoutés ? Combien de débats publics sur la spiritualité se font aujourd’hui sans nous ? Ils n’étaient pas DRH, c’est peut-être cela l’erreur.

Maintenant, il va falloir payer. L’institution va devoir payer. Mais cette institution, c’est aussi vous, c’est aussi moi. Ce sera à nous de nettoyer ces écuries d’Augias. A nous de faire revenir la confiance. A nous de faire preuve d’humilité pour accueillir les victimes. A nous de sacrifier, peut-être, certaines habitudes délétères de « secretisation ». Qui ont justement permis à ces horreurs de rester impunies, de se perpétuer. Payer comment, payer à qui, payer pourquoi ? La réponse à ces questions, cette fois ci, ne se trouve pas dans les Écritures. Dieu est seul juge ? La miséricorde est gratuite ? Si tout cela est vrai, il n’empêche que cela ne servira de rien à mes victimes. Rappelez-vous, il ne s’agit pas de brandir ma bonne foi, mais de soulager la douleur de l’autre, des autres. Que ces autres me permettent de partager leur souffrance, non pas par blessure, mais par honte.

Je ne veux pas ici développer les arguments en faveur des indemnisations ni leur composition. Ni en tant qu’individu ni en tant qu’institution. Je ne veux parler que d’attitude. De celle qu’il nous revient de retrouver pour arriver, un jour peut-être, à recoller avec les valeurs familiales d’un certain Joseph…

Pierre Moser