Homélie pour la Fête-Dieu – 11 juin 2020

Homélie pour la Fête-Dieu – 11 juin 2020

On n’accepte pas n’importe qui à table, car partager un repas, manger ensemble, cela suppose une certaine connivence, un minimum de familiarité, un début de communion entre convives, communion appelée à se renforcer au cours du repas. Manger ensemble manifeste une qualité de relation plus intense qu’une poignée de mains. D’ailleurs nombreux sont les verres de l’amitié et les repas de fête organisés précisément pour exprimer et faire exister le lien qui unit des personnes et des groupes: fête familiale, célébration des mariages, repas d’amicales ou de sociétés etc…

Toutes ces formes de repas sont autant de manifestations d’alliance. Notre existence quotidienne en est parsemée, car nous avons besoin sans cesse de vérifier et de faire exister les alliances qui nous unissent à d’autres, et sans lesquelles nous serions comme perdus sur des îles lointaines.

Or la célébration de ce jour nous manifeste que Dieu nous sollicite depuis les premiers jours et qu’il brûle du désir de faire alliance avec nous. Oui mais alors, comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger? c’est bien la question que nous nous posons aussi.

A table nous mangeons plus de symboles que de chimie. La nourriture humaine est bien plus chargée en symboles qu’en glucides, lipides ou protides. Par exemple lorsque tu es malade, tu en fais l’expérience : tu te nourris autant de la manière dont le plat est présenté que des glucides ou lipides qui sont dans ton assiette. Quand tu es invité chez un ami, ce n’est pas seulement la faim matérielle qui provoque l’invitation, c’est le désir de la rencontre et de l’amitié partagée. Et tu te nourris autant de sa présence et de son amitié que du plat qu’il te sert. Combien de foi le sandwich partagé sur le coin d’une table, nourrit plus qu’un repas sans conversation ou pris isolément.

Oui des hommes, des femmes, aujourd’hui, nourrissent leurs proches de leur amour. Tu le vois bien autour de toi. C’est ainsi qu’il faut comprendre la parole de Jésus. Tu peux vivre de son amour et de sa Parole, comme tu vis de certains témoignages. Sache que tu peux aussi te donner en nourriture, par ta parole et ton engagement. La Parole de Jésus qui se propose comme pain de vie, reste d’actualité. Elle fait vivre et c’est une bonne nouvelle.

Manifestement ce passage d’Evangile est écrit par Jean bien après la Cène, la mort et la Résurrection de Jésus. Dans le texte grec, il écrit: «mordre» au lieu de manger. «Si vous ne mordez pas la chair du Fils de l’Homme…» Jean utilise volontairement ce langage un peu choquant pour défendre la réalité de l’Eucharistie. A cette époque-là, les premières hérésies assaillent l’Eglise et en particulier celles qui prétendent que Dieu ne s’est pas fait réellement homme, qu’il n’a fait que semblant, qu’il serait seulement venu faire du tourisme sur la terre… le verbe «mordre» n’est pas un mot qui fait semblant, c’est un mot brutal qui ne joue pas la comédie.

Le verbe « mordre » se retrouve encore dans une autre expression: «mordre la vie à pleines dents…» et si la vie éternelle était, elle aussi, à mordre à pleines dents?

Un jour, deux aveugles demandent à Jésus de les guérir. Il leur dit: «Croyez-vous que je puisse faire cela?» Sur leur réponse affirmative, il touche leurs yeux en disant: «Que tout se fasse pour vous selon votre foi.» Lorsque le prêtre vous présente le corps du Christ et que vous dites Amen, c’est le même exercice qui vous est proposé. Crois-tu ce pain capable de te nourrir ? crois-tu que ce pain te donne la vie éternelle? crois-tu que ce pain te ressuscitera au-delà de ta mort? Amen? Oui? Alors, que tout se passe pour toi à la mesure de ta foi.

Thierry Fouet

Commentant la profession de foi que nous sommes invités à exprimer chaque fois que nous nous approchons pour recevoir l’Eucharistie, Saint Augustin écrivait ceci :

«C’est votre mystère que vous recevez. C’est à l’affirmation de ce que vous êtes que vous répondez Amen. Et votre réponse est comme votre signature. Soyez donc membres du corps du Christ pour que soit vrai votre Amen… soyez ce que vous voyez et recevez ce que vous êtes»

Sermon sur le Corps du Christ, No 272, année + 430, ed. Mauristes

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