2ème Dimanche de Carême – 7-8 mars 2020

2ème Dimanche de Carême – 7-8 mars 2020

Le tentateur avait conduit Jésus sur une haute montagne (Mt 4,8). Il s’y était mis à la place de Dieu et s’était présenté comme maître de la création. Il se montrait pour ce qu’il n’était pas. C’est maintenant Jésus qui conduit Pierre Jacques et Jean sur une haute montagne (Mt 17,1). Il se manifeste à eux pour ce qu’il est.

Nous avons l’habitude de considérer les trois disciples qu’il prend avec lui comme des privilégiés. Mais pourquoi eux et pas les autres? Peut-être parce qu’ils étaient ceux qui en avait le plus besoin… En effet, Jésus venait de dire ce qui allait leur arriver, «qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué» (Mt 16, 21) Certes, il avait ajouté «et le troisième jour ressusciter», mais Pierre l’avait-il encore écouté, scandalisé qu’il était devant le drame que Jésus annonçait? Il avait plutôt réagi: «Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas» (v. 22). Jésus avait dû le reprendre: «passe derrière moi, Satan» (v. 23). Quant à Jacques et Jean, ne souhaitent-ils siéger à la droite et à la gauche de Jésus (cf Mt 20,20-28). Ne sont-ils pas nommés «Boanerges, qui signifie fils du tonnerre» (Mc 3,17)? quand des Samaritains avaient refusé de recevoir Jésus, ne lui avaient-ils pas demandé: «veux-tu que nous disions que le feu tombe du ciel et les consume» (Lc 9,54)?

Alors, «six jours plus tard», Jésus les invite à aller outre leur regard humain et trop humain, pour entrer dans le mystère de ce qu’il est. Le verbe utilisé pour indiquer sa transfiguration (μετεμορφώθη) suggère ce dépassement, un aller au-delà de l’apparence, ou au-dedans de ce qu’ils voient. Et Mt met en lien leur expérience avec les signes de la présence de Dieu. A tel point que Pierre ne peut s’empêcher d’exclamer: «Il est bon que nous soyons ici» (Mt 17,4). En soi, le texte parle de beauté (καλόν ἐστιν). Pierre Jacques et Jean sont appelés à contempler sur le visage de celui qui leur a annoncé sa passion la beauté de Dieu.

On retrouvera Pierre Jacques et Jean au jardin des Oliviers. Jésus leur partagera ce qu’il porte en lui: «mon âme est triste à mourir» (Mt 26,38). Mais son invitation à prier et à veiller restera sans effet. Revenu vers eux, il les trouvera endormis (vv.40.43.45).

On peut se demander si même après la résurrection ils ne sont pas ces «certains qui eurent des doutes» (Mt 28,17). Et pourtant, c’est à eux aussi que Jésus s’adresse quand il dit: «Allez ! De toutes les nations faites des disciples: baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé» (Mt 28,19-20).

Il leur faudra du temps pour accueillir le mystère qu’ils contemplent pourtant de si près. C’est en annonçant la bonne nouvelle qui leur est confiée qu’ils vont petit à petit se découvrir vivants de la vie de celui dont ils sont désormais les témoins. Ils seront transfigurés, lumineux de la lumière contemplée. C’est dans cette lumière qu’ils affronteront la mort à la suite du Christ, déjà victorieux en lui. C’est à ce chemin que le Carême nous invite, malgré nos incompréhensions et nos lenteurs. Un temps nous est donné pour que nous puissions faire l’expérience que le «Dieu qui a dit: ‘du milieu des ténèbres brillera la lumière’, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ» (2 Cor 4,6). Le Carême, chemin de lumière nous fait comprendre qui nous sommes, il nous aide à dépasser tout ce qui ne peut que défigurer pour nous faire vivre en transfigurés.                                      

Marc Passera