6ème Dimanche du temps ordinaire – 15-16 février 2020

6ème Dimanche du temps ordinaire – 15-16 février 2020

«Vous avez appris qu’il a été dit… Eh bien, moi je vous dis…». Par six fois, Jésus semble opposer son enseignement à celui de la Torah qui fait vivre Israël. Est-il méprisant envers son peuple? S’il passe tant de temps avec les scribes et les pharisiens, c’est qu’il connaît leur désir de fidélité à l’Alliance. Mais force est de le constater: “Ils disent et ne font pas” (Mt 23,3). Il sait leurs efforts. Mais aussi leurs limites qu’ils tentent de cacher avec hypocrisie.

Jésus vient de proclamer les béatitudes. C’est ce que Dieu réalise en nous et qui nous épanouit quoi qu’il arrive; nos limites ne sont plus des obstacles. Ce que Dieu réalise est infiniment plus que le fruit de l’effort que l’on peut fournir. Mais il s’agit de l’accueillir et d’en vivre. Aucun mépris donc pour la Torah et les traditions d’Israël. Jésus le dit clairement: «Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir, mais accomplir» (Mt 5,17). Jésus n’ajoute rien, il n’enlève rien. Il donne le vrai sens de ce que Dieu a dit à son peuple. Comme pour les disciples d’Emmaüs, il ouvre les Ecritures (cf. Lc 24,32). Être fidèles à la Torah, c’est la vivre comme mystère d’Alliance. Donc, «Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux» (Mt 5,20).

Parce que la question à laquelle Jésus veut répondre n’est pas de savoir commer appliquer des règles, mais plutôt comment discerner la volonté de Dieu: qu’attend-il de moi, que veut-il réaliser en moi. Et si Jésus semble relativiser “ce qui a été dit”, c’est dans le sens profond du mot: il le met en relation avec le projet que Dieu lui-même veut réaliser et accomplir en nous.

Voilà pourquoi Jésus affronte des thèmes sensibles: le meurtre, l’adultère, le divorce, le serment, la vengeance et l’amour des ennemis. Lorsque les pharisiens l’accuseront de transgresser la tradition des anciens, il leur répondra durement en citant Isaïe: «Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains.» (Mt 16,8,9). Au souci de l’application de préceptes humains Jésus oppose une attitude de toute la vie, du cœur.

Or le prophète l’a bien dit: «Rien n’est plus complexe que le cœur de l’homme. Qui peut le connaître ?» (Jer 17,9). Et Jésus d’en tirer la conséquence: «c’est du cœur que proviennent les pensées mauvaises: meurtres, adultères, inconduite, vols, faux témoignages, diffamations» (Mt 15,19). Mais c’est précisément le cœur de l’homme que Jésus veut rejoindre pour le transformer. Dès lors, les béatitudes ne sont pas une utopie. Jésus vient réaliser ce que Dieu annonçait par le prophète: «Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles» (Ez 36,26-27). Il ne s’agit plus d’appliquer des règles, mais de devenir des êtres nouveaux, vivants de la vie de Dieu. À écouter Jésus, on peut avoir le sentiment qu’il est d’une exigence extrême. À lui ouvrir notre cœur, on fait l’expérience très concrète d’une vie pacifiée, fidèle et authentique. Une vie en plénitude. La seule qui vaut d’être vécue. Celle des béatitudes.

Marc Passera